Dans les années cinquante, lorsque j’étais enfant,
j'habitais avec mes parents dans la rue Roi de Rome,
tout près de la place du Diamant, au dessus des
établissements CATANEO.
Mon
plaisir était de descendre sur le port regarder
partir et revenir les bateaux qui déversaient sur
les quais des tonnes de marchandises; mais le
véritable spectacle était celui du chargement et du
déchargement des automobiles que des palans
soulevaient du sol pour les faire disparaitre dans
le ventre du navire sous le regard inquiet de leurs
propriétaires.
Comme beaucoup de jeunes de ma génération je me
souviens de ces grands navires à coque noire venus
du large qui accostaient lentement au quai L’Herminier
et qui avaient pour nom Cyrnos, Sampiero Corso,
Commandant Quéré, comté de Nice… toute une époque
aujourd’hui révolue.
Je me
souviens de ma première traversée avec mon père sur
l’un de ces navires au confort très rudimentaire
lorsque les traversées de jour n’existaient pas
encore et que la nuit les passagers "aisés"
dormaient dans des cabines à même des banquettes
fixes recouvertes de skaï de couleur vert bouteille
tandis que ceux de quatrième classe dormaient sur le
pont dans des chaises longues en toile, enroulés
dans d'épaisses couvertures fournies par la
compagnie.
En
regardant ces grands bateaux venus du large, je ne peux
m'empêcher de penser au nombre incalculable des
naufrages survenus dans toutes les mers du globe, depuis
que l'homme s'est aventuré sur la surface des océans qui
couvrent les trois quarts de la surface de notre terre.
Combien d'êtres humains ont péri dans les flots à la
suite de tant de catastrophes maritimes !. C'est
effrayant quand j'y songe. Rien que sur les côtes de la
France, dans une période de quinze années, de 1865 à
1880, une statistique officielle a relevé 1346
naufrages, ayant entraîné la mort de 949 personnes.
Les 1346 navires perdus sur nos
côtes se décomposaient ainsi : 99 vapeurs ; 102
trois-mâts ; 71 bricks ; 78 bricksgoëlettes ; 125
goëlettes ; 152 côtres et sloops ; 99 lougres ; 38
chasse-marées ; 582 tartanes, chaloupes ou bateaux
divers.
Les équipages de ces 1346 navires
comprenaient 8346 marins; il y eut donc 7397 sauvés et
949 noyés.
De cette statistique, il ressort
qu'il y n'y eut au cours de cette période de
quinze années, pas moins de 122 naufrages sur les côtes
de la méditerranée et 46 naufrages sur les côtes de
Corse. La compagnie Valery a été l'une des compagnies
les plus touchées par ces drames entre 1840 et 1883.
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