Traditionnellement, le mariage
était avant tout une affaire de famille. Les parents
choisissaient pour leur enfant le promis ou la promise.
Ces arrangements se faisaient en fonction de certains
critères dictés par des intérêts économiques,
idéologiques ou politiques. Dans les villages, deux
familles ayant des intérêts communs "arrangeaient" u
matrimoniu (le mariage).
Mais, il y avait aussi des jeunes
gens qui choisissaient de s'unir malgré l'opposition de
leurs parents et qui "forçaient" le mariage. Pour cela,
le garçon n'avait pas d'autre solution que de simuler,
avec son consentement l'enlèvement de la jeune fille. Quelques jours après cette
scapaticcia (fugue), le couple revenait au
village obligeant ainsi les familles à considérer leur
union comme un fait accompli. Mais, si par malheur, la
jeune fille revenait seule au village parce que son
union n'avait pas marché, elle devait vivre désormais en recluse
portant sur elle la terrible honte de sa faute après
avoir subi le plus terrible des outrages:
Entraînée de force sur la place du
village, on la plaçait à califourchon et à la renverse
sur un âne; et après l'avoir promenée ainsi dans tout le
village sous la huée et les sifflets de la foule on
l'emmenait hors de la commune et on l'abandonnait ainsi
à sa destinée.
Parfois aussi, lorsque les parents
s'opposaient au mariage, les jeunes gens, accompagnés de
deux témoins, se rendaient à la messe du dimanche et à
l'élévation de l'hostie les jeunes gens, chacun à leur
tour, devant l'assemblée des fidèles, déclaraient vouloir se prendre mutuellement pour
époux puis quittaient précipitamment l'église. C'est ce
qu'on appelait u matrimoniu di a volpe
(le mariage du renard) ou matrimoniu alla greca
(mariage à la Grecque).
Tout le village étant désormais au courant de leur
intention, il ne restait plus pour les parents qu'à
entreprendre des négociations pour fixer la date du
mariage.
Un proverbe Corse dit ceci: "Maries-toi
dans ton pays, maries-toi dans ta commune et si tu le
peux maries-toi dans ton village". Il y avait deux sorte de mariages:
le mariage "proche" (parfois même consanguin en raison
d'une vie paysanne en autarcie) célébré selon le rite du
ruban et de la quenouille, et le mariage "lointain".
Dans le premier cas, les jeunes
gens sont accompagnés à la mairie et à l'église.
Avant la bénédiction, le curé
faisait placer un seau de bois (secchia)
sur la tête de la future mariée. C'est dans cette
position de porteuse d'eau qu'elle l'écoutait lui
rappeler les devoirs du mariage, après quoi, le curé lui
enlevait le seau et faisait son second discours au
fiancé.
C'est
uniquement le jeune homme qui passe au doigt de la jeune
fille l'alliance que vient de lui remettre le curé
et qui est utilisée pour tous les mariages (signe de
l'extrême pauvreté qui existait en Corse à cette
époque). Elle la gardera
24 heures puis la lui ramènera.
Après la cérémonie, tout le monde
-sauf les mariés qui ont droit au carrosse- remonte sur
son cheval, sa mule ou son âne et s'arrête à la première
fontaine où la mariée se purifie en trempant sa main
droite dans l'eau et en faisant le signe de la croix,
avant de
retourner à la maison en procession. La mère se tient
debout sur le seuil et offre à la mariée la quenouille
et le fuseau orné de rubans, symboles d'alliance, puis
l'embrasse avant de la conduire dans le salottu
(salle) où tout le monde la suit.
Dans le mariage lointain, l'un des
futurs époux est issu d'un autre village ou d'une autre piève. Un carozzu (carrosse) vient prendre
la mariée pour l'emmener au village de son futur époux
qui l'attend sur le chemin avec une branche d'olivier.
Pendant le trajet, on lance sur le cortège des poignées
de riz, de fleurs et de grains de blé. Conduite à sa
nouvelle demeure sous le bruit des fusillades, l'épouse
est reçue par son beau père qui l'embrasse et lui remet
la clé de la maison ainsi que toutes les clés des
armoires puis l'invite à entrer.
La demande en mariage, dans une
société Corse inhibée par la pudeur et la honte, se
faisait sous forme de jeu. Pour faire sa déclaration, le
jeune homme se débrouillait pour rencontrer l'élue tout à
fait par hasard, quand elle allait chercher de l'eau à
la fontaine, ou quand elle se rendait à la rivière pour
faire le bucatu (lessive). Alors, il
s'approchait d'elle et lui parlait sur le ton de la
plaisanterie en laissant deviner ses intentions. Si la
jeune fille lui répondait de la même manière, cela
voulait dire qu'elle acceptait ses avances. Si, elle rejetait sa demande, elle
le regardait fièrement, lui montrait son coude puis lui
tournait le dos en prononçant des mots blessants. Pour
éviter ce genre de déconvenue, c'était souvent le père
du jeune homme où de la jeune fille qui se présentait au
domicile des parents pour faire une demande dans les
règles.
Selon la coutume, on pouvait
considérer que deux jeunes gens étaient mariés et
pouvaient vivre ensembles quand ils s'étaient donné l'abracciu
(quand ils s'étaient embrassés). Après avoir convenu de
la dot, les familles se donnaient l'accolade, tiraient
des coups de feu et mangeaient des beignets. Le caractère officiel de cette
union (le mariage civil et religieux pouvait n'être
célébré que bien plus tard), même s'il n'était pas légal,
était sacré par la
parole donnée. Rompre l'abracciu, s'était s'exposer à une
terrible vendetta.
Si le fiancé meurt avant le
mariage, celui ci peut quand même être célébré longtemps après
les funérailles
et la
fiancée doit porter le deuil pendant une année sans
jamais sortir de la maison. Si, après le mariage, la femme
commet l'adultère, elle peut habiter avec un autre
homme. Son époux n'engagera pas de vendetta car il
considère que son épouse s'est déshonorée seule et n'est
pas digne qu' un homme d'honneur expose sa vie pour
elle. |