Nonce, Louis Romanetti est né à Calcatoggio le 25
juillet 1882.
Ayant quitté l'école très
tôt, il apparaît aux yeux de ceux qui le connaissent
comme un garçon au caractère instable et irritable.
Il fréquente assidûment
les débits de boisson, n'a d'autre passion que les
armes, ne s'intéresse qu'aux filles et à la politique.
En 1903, un jour d'élection, comme cela arrivait souvent
au cours de ces journées enflammées, une bagarre éclate
sur la place du village et Romanetti blesse d'un coup de
stylet son adversaire. Cette première affaire lui vaut
d'être arrêté et condamné à 10 mois de prison. Il a 21
ans.
En 1904, il blesse à
nouveau d'un coup de stylet un habitant de Calcatoggio,
ainsi que son épouse qui tentait de s'interposer, parce
qu'il avait manqué à sa parole électorale.
Impulsif, s'emportant
facilement, il est condamné en 1907 à 1 mois de prison.
En 1908, il est de nouveau
condamné à 20 jours de prison pour violences.
En 1909, il enlève une
jeune fille de Sari d'Orcino mais la menace d'une
plainte déposée par les parents pour l'enlèvement d'une
mineure lui fait lâcher prise. Il se rend alors dans le
débit de boisson tenu par les parents de la jeune fille
et après une violente altercation au cours de
laquelle il frappe la mère d'un coup de stylet, il est
arrêté et condamné le 03 novembre 1910 par le tribunal
d'Ajaccio à 3 ans de prison pour coups et blessures et
envoyé à la prison centrale de Nîmes pour y purger sa
peine.
Il revient à Calcatoggio en
1913 où il exerce la profession de boucher; mais son
travail ne lui plait pas et il vient de déposer une
demande pour devenir gardien de prison.
Mais le vice des mauvais garçons ne meurt jamais
et un jour Romanetti vole dans un champ un bœuf
appartenant à un habitant de la commune. Au
moment où il est en train de charcuter sur la place du
village, le propriétaire de l'animal, Jules Cesar
Carbuccia, vient le voir pour
lui demander réparation. Romanetti se défend en disant
que c'est un ami qui lui a vendu la bête, qu'il
ne savait pas que l'animal avait été volé et il accepte de
le dédommager au prix
demandé. L'affaire aurait pu en rester là, mais
Carbuccia se ravise et dépose plainte et le 30
août 1913, Romanetti, qui a déjà pris le maquis,
avec la ferme intention de se venger, est de
nouveau condamné par contumace à 5 ans de prison,
cent francs d'amende et 5 ans
d'interdiction de séjour.
Quelques mois plus tard, le 20
janvier 1914, alors
que Giulio-Cesare Carbuccia, l'homme qui l'a fait condamner, se rend à la messe au
col de San-Bastiano, près du village où l'on célèbre la
fête patronale, le bandit, caché derrière un
fourré, l'abat d'une balle en plein cœur. Désormais,
dans l'épaisse végétation qui entoure le Cruzinu,
Romanetti va organiser sa vie.
Le 05 avril 1914, sur la commune
de Casaglione, ayant appris que son guide Jean-Pierre
Carli se servait de son nom pour rançonner des
propriétaires de la région, il l'abat froidement puis,
pour asseoir une notoriété de bandit d'honneur, il
charge un certain Andarelli d'aller porter le fusil et
la cartouchière du mort à la gendarmerie.
Beau garçon, Romanetti cumule les aventures amoureuses
et prend souvent des risques inconsidérés que les
gendarmes, connaissant sa faiblesse, tentent en vain
d'exploiter.
Au cours de cette même
année de 1914, il ne répond pas à
l'ordre de mobilisation et entreprend le commerce en
gros de la viande de boucherie. Il signe un contrat avec
la firme Roquefort pour l'approvisionnement des
fromageries et devient l'intermédiaire des bergers.
Devenu riche, il s'offre une escorte de
protecteurs qui surveillent pour lui le maquis et troque
son cheval contre l'automobile qui vient de faire son
apparition sur les routes de Corse.
Le 06 avril 1916, dans une
bergerie du domaine de la Punta, victime probablement
d'une dénonciation, il est cerné en pleine nuit par les
gendarmes de la brigade de Calcatoggio mais il parvient
cependant, bien que grièvement blessé au bras droit, à
prendre la fuite en tuant un gendarme et en se
protégeant derrière le corps de la jeune Françoise Leca,
âgée de 15 ans, qui y laissera la vie.
Sûr de son invincibilité,
il s'installe au golfe de Lava avec Madeleine Mancini.
Régulièrement informé des opérations de gendarmerie, il
parvient systématiquement à fuir pour éviter
l'affrontement.
Lors d'un entretien avec un
journaliste il lui déclara ceci : "Dites bien à vos
lecteurs que Romanetti n'est ni un voleur, ni un lâche
et que je n'ai jamais fait de tort à qui que ce soit...
je m'efforce même d'adoucir le sort de ceux qui ont faim
en les aidant dans la mesure de mes moyens. Je n'ai
jamais tué que pour me défendre".
En 1919, il décide de
marier sa fille légitime Marie-Antoinette, âgée de 15
ans, avec Jean-Marie Mancini. Célébré au maquis, ce
mariage est
l'objet de fastueuses réjouissances auxquelles
sont conviées, sans aucun choix de refuser, de nombreuses personnalités ainsi que tous
les maires du canton de l'Orcino. La notoriété de
Romanetti ne fait que croître.
Le 22 décembre 1920, vers 3 heures
du matin, alors qu'il dîne tranquillement dans un
restaurant de nuit du cours Napoléon à Ajaccio,
Romanetti abat l'inspecteur de Police Jean Nougarolis
qui tentait de l'interpeller.
Respecté de tous, le bandit
est appelé à exercer son influence comme paceru
au sein des familles dans la discorde. Même les
meurtriers lui demandent conseil ; comme cet instituteur
de Calcatoggio qui après un accès de démence, venant de
tuer son épouse et ses deux enfants lui demande ce qu'il
doit faire. Romanetti lui répond : "après ça, il ne te
reste plus qu'à rentrer chez toi et à te tirer une balle
dans la tête". L'instituteur suivra aussitôt son
conseil.
La politique, les campagnes
électorales, comme celle de 1920 à laquelle il prit une
part active, occuperont
une place très importante dans la vie du bandit.
En mai 1922, lors de sa
venue en Corse, Alexandre Millerand, Président de la
République, serre la main de Romanetti qui fait partie
du cortège des maires reçus à Evisa.
En juillet
1923, Romanetti soutient la campagne du riche industriel François
Coty, originaire d'Ajaccio, qui est venu lui
demander la permission de se présenter aux élections
sénatoriales. Le bandit démentira cependant toute forme
d'intervention dans cette campagne électorale.
Adulé des femmes, courtisé par les
hommes désireux d'obtenir ses grâces, il mène le train
de vie d'un prince. On le voit partout aux meilleures
tables d'Ajaccio, distribuant avec largesse de généreux
pourboires.
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Romanetti filmé par
British Pathé le 17 mai 1926. |
De la vallée de la Cinarca à la
montagne de Vizzavona, Nonce Romanetti s'était
autoproclamé roi du maquis et on le surnommait "le
bandit dandy" en raison de son allure toujours très
soignée.
Il avait obtenu une notoriété qu'il
savait entretenir par les nombreuses réceptions accompagnées de
musiques et de chants organisées dans "son palais
vert". Des personnages illustres, qu'il recevait
volontiers avec
une mise en scène calculée, se sont succédés à sa table
et ont colporté sa renommée bien au-delà de l'hexagone.
Le 07 janvier 1924, moyennant finances un metteur en
scène (les films Dini) obtient l'autorisation de le
filmer.
Une nuit de pleine lune, le 25 avril 1926, vers 3
heures du matin, aux environs du col de Canale, alors qu'il
regagne comme chaque soir sa tanière, il ne verra pas venir les balles
qui l'atteignent mortellement.
A Lava, Madeleine Mancini
(*)
comprend, en voyant revenir le cheval sans son cavalier,
que l'inévitable vient de se produire.
Qui a criblé le corps de Romanetti
de balles
de chevrotines ? Certainement quelqu'un qui le
connaissait bien et qui connaissait aussi ses chiens
puisque ceux-ci n'ont même pas aboyé pour prévenir leur
maître. Peut-être, un proche de son entourage,
comme son fidèle ami de Bocognano (en cette fin de mois,
Romanetti avait dans sa poche la paie de tous les
bergers qui travaillaient pour la firme Roquefort) ; mais certainement pas
les gendarmes, malgré ce que raconteront les journaux locaux
du lendemain !... Sauf le Petit Journal et le Figaro
qui s'interrogent.
A l'apogée de la gloire, la vie de
Nonce Romanetti s'achève brutalement. Comment pouvait-il
en être autrement
après 15 années passées dans un maquis doré ?.
Dans l'après midi du 26 avril 1926, plus de
5000 personnes suivront le cortège de ses funérailles
jusqu'à sa dernière demeure dans la propriété familiale
à l'entrée de Calcatoggio
où il sera cependant enterré sans la bénédiction de
l'église.
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L'assassinat de Romanetti commenté par le Petit Journal. |
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Acte de décès et tombe de Nonce Romanetti. |
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L'avocat Cesar campinchi intérrogé par le journal "l'intransigeant" le 27 avril 1926. |
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La tuerie de Lava. |
(*) Madeleine Mancini
Le 30 mars 1928, trois membres de
la famille Mancini sont assassinés par une bande dirigée
par le bandit Perfettini. Accusée d'être l'instigatrice
du meurtre de son oncle et de ses deux cousins afin de
venger la mort de Romanetti dont elle fut la maîtresse
de 1917 à 1926, Madeleine Mancini (Mimi) sera condamnée
sur fond d'accusations, de rétractions et de faux
témoignages qui déchaînent les passions, le 27 février
1929 aux travaux forcés à perpétuité.
Défendue par ses deux avocats, Henry Torrès et Louis
Vaunois qui s'attacheront à démontrer son innocence, son
procès sera finalement révisé. Elle sera graciée et
quittera enfin libre la maison centrale de Rennes après
9 années de détention.
La grâce de MadeleineMancini (source
Gallica).
"Après avoir foncièrement étudié le dossier de
l'affaire Mancini, les présidents Poincaré et Painlevé,
ayant établi leur conviction de l'innocence de la
condamnée, ont écrit à M. le garde des sceaux pour apporter leur appui à
la demande de grâce déposée par dix membres de la famille de Madeleine Mancini.
D'autres très hautes personnalités sont également intervenues, en
connaissance de cause, auprès de la chancellerie.
Maître Henry Torrès,
au cours de la visite qu'il va faire à M. le Président
de la République, pour exposer le cas de Madeleine Mancini, et où
l'accompagneront Mme Jane Catulle-Mendès, Maître Louis Vaunois et
M. Emile Kahn, secrétaire général de la Ligue des droits de
l'homme, parlera en son nom personnel, et au nom du bâtonnier de Montera,
maire adjoint de Bastia, et de M. Campiglia, maire adjoint d'Ajaccio, qui, depuis quatre ans et demi,
défendent Madeleine Mancini avec un chaleureux et
inlassable dévouement."
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