Pierre-Paul
Bonelli dit "Paulichju", le patriarche, vit en concubinages avec 3
soeurs, Julie, Marie et Claire Fontana qui a vingt ans
de moins que lui. Elles lui donneront 24 enfants. Deux
enfants de cette grande fratrie, François Antoine et
Jacques, deviendront célèbres
sous le surnom de leur père: Bellacoscia
(belle cuisse).
Antoine est le fils de Julie. Il est le premier à prendre le maquis de la façon
la plus banale :
Le maire de Bocognano, Jérôme Marcaggi, ne veut pas marier
une des soeurs Bonelli car elle ne possède aucun acte
d'état civil.
Il refuse d'établir pour Antoine,
réfractaire au service, un faux certificat constatant
qu'il a déjà un frère sous les drapeaux, n'accepte pas
de décharger la famille Bonelli des taxes communales et
l'accuse par voie de justice de lui avoir volé des
parcelles de terre.
En 1847, arrêté à Bocognano pour desertion, Antoine
fausse la compagnie des gendarmes qui le conduisaient à
Bastia et se réfugie dans son vaste domaine de la
Pentica qu'il ne quittera que près d'un demi siècle
plus tard.
Le 22 juin
1848, Marcaggi qui est en train de travailler sur sa
propriété est blessé lors d'une tentative d'assassinat.
Antoine qui déjà pris le maquis est soupçonné, mais le
tribunal rend sur cette affaire une ordonnance de non
lieu.
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La famille Bonelli dans sa bergerie de la Pentica |
Le trois
novembre 1848, en compagnie de trois autres bandits, il emmène et séquestre durant 9 jours,
dans son refuge de Pentica, le vieux Dominique-André
Cerati (ou Casati) qui refuse de lui donner la main de sa
fille Jeanne dont il est tombé amoureux à la foire de
Bocognano.
Cette
affaire, ajoutée à celle de sa désertion et la tentative
d'assassinat du Maire de Bobognano, lui vaut d'être
condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité
en 1851 et à la peine de mort en 1854.
C'est à ce moment là que son frère Jacques, âgé
d 18 ans, qui vient de tirer une décharge de
chevrotines dans les jambes du Maire de
Bocognano (qui est aussi notaire) parce que ce
dernier avait eu la prétention de ravir à sa
famille les terres de Pentica, décide de le
rejoindre au maquis. Les
deux frères ne se quitteront plus.
Le 12 juin
1850, Jean-Baptiste Marcangeli qui vient d'épouser
Jeanne Cerati, malgré l'avertissement de Jacques, est
abattu alors qu'il laboure son champ. Dans la même
journée, Dominique Gaffory, ami de Marcangeli, qui
s'était vanté en public de ne pas craindre les Bellacoscia, est retrouvé mort sur le sentier qui mène
au village. Il avait reçu une balle en pleine tête. Ces
meurtres n'eurent pas de témoins, mais Antoine et son
frère furent soupçonnés et de nouveau condamnés par
contumace en mars 1854 à la peine de mort.
Le 31 août
1852, à la suite d'une méprise, un certain Vizzavona est
abattu alors qu'il se promène dans le village en
compagnie des frères Manei. Il avait été pris pour
Dominique Miniconi, un jeune homme qui avait compromis la soeur de
Jacques Bonelli et s'était soustrait au mariage.
Soupçonnés de ce nouveau meurtre et malgré l'absence de
témoins, les frères Bellacoscia, sont une nouvelle fois
condamnés à la peine capitale en1885.
Le 24 janvier 1856, Denis Pinelli, un informateur, accompagné de deux gendarmes,
se dirige vers la bergerie des bandits. Il est abattu de
deux balles en pleine poitrine. Les gendarmes sont
épargnés. Il est à noter qu' en plus de 40 ans de
maquis, aucun gendarme ne sera la victime des frères
Bonelli, ce qui ne les empêchera pas d'être condamnés
en 1857, une nouvelle fois pour "tentative d'homicide volontaire
sur les agents de la force publique dans l'exercice de
leurs fonctions". Et pourtant... L'histoire raconte qu'un jour, au fond d'un
ravin, ils trouvent un gendarme blessé. Ce dernier qui
tentait une embuscade avec ses collègues s'était égaré.
Les deux frères portent secours au gendarme qui croit
que son heure est venue. Ils l'emmènent à la bergerie,
le soigne et le laisse repartir avec son fusil. Le
gendarme qui n'en revient pas d'avoir été traité avec
autant de respect rentre à la gendarmerie et pose
aussitôt sa démission.
Antoine était philosophe. Jacques, qui
s'était fait fabriquer un sceau dont il
certifiait tout son courrier par "l'indépendant", aimait la politique.
Un soir de septembre 1870, il
"s'invite" avec son frère dans le bureau du Préfet à Ajaccio pour
lui offrir leurs services. Ils lui proposent de former un corps
de Francs-tireurs pour aller combattre les Allemands.
Cette offre sera bien entendue déclinée par le
gouvernement Gambetta mais un nouveau préfet auquel on avait
rapporté les faits souhaita vivement rencontrer les deux
frères. Il fut accueilli dans leur repère avec une telle
hospitalité qu'il décida d'y revenir imité par la suite
par d'autres célébrités.
Entre le mois de septembre 1886 et le mois
de janvier 1887, l' Etat lance une vaste
opération policière contre les Bellacoccia
qui tienne le maquis depuis 40 ans. Tous le
village de Bocognano et le domaine de la
Pentica sont quadrillés et occupés par les
forces de l'ordre, 93 parents de tous âges,
sont emprisonnés sans discernement au motif
de recèle de malfaiteurs, leur bétail est
saisi. Ce déploiement de force ne fait
qu'ajouter à la publicité dont jouissent
déjà les bandits.
Lors de la venue en Corse de Sadi Carnot, le
Petit Journal titre en première page de
son édition du 25 avril 1890 : "Le
Président chez les sauvages".
Journalistes, écrivains,
personnages publics, hommes politiques -tels que
Léon Gambetta, le préfet G.Eugène
Haussmann-,
préfets, ministres, députés, monarques, se
succèdent à la table des Bellacoscia et
contribuent ainsi à leur renommée. La réputation des frères Bonelli, et en particulier
d'Antoine, très amis par ailleurs avec le député Emmanuel Arène, est telle qu'on les sollicite
régulièrement pendant les "chaudes"
périodes électorales ou pour régler
certains litiges.
Même la
compagnie des chemins de fer n'hésite pas à faire appel
à eux, moyennant rétribution, pour la surveillance
de son chantier qui souffrait de nombreux vols et autres incidents.
Des écriteaux dissuasifs apposés sur les baraques où
l'on entrepose le matériel: "Celui qui touche au
matériel est un homme mort, signé Bellacoscia"
firent cesser radicalement les vols.
Malgré une
dernière tentative de grande ampleur pour tenter de les
déloger, les deux célébrités qui ont maintenant chacune
leur maison au palais vert de Pentica, continuent à
vivre des jours paisibles.
Mais
Antoine est fatigué de cette vie et c'est la
promesse de grâce arraché au Président Sadi Carnot (lors de sa venue en corse) par le
député Emmanuel Arène, ami des bandits, qui va le
décider à se constituer prisonnier ce matin du 25 juin
1892 sur le plateau de la foce de Vizzavona en
déposant ses armes aux pieds du Capitaine de Gendarmerie Ordioni
accompagné du procureur de la République
et devant une brigade de gendarmes au
garde-à-vous. Tous deux montent ensuite dans une voiture
qui les conduit à la gare de Corte où ils prennent
ensuite le train pour Bastia. Son existence
de hors la loi vient de prendre fin après plus de 44 ans
passés au maquis.
Accueillis sous les Vivas de la foule qui
les escorte jusqu'à l'hôtel de France, ils
dîneront et y passeront la nuit avant
qu'Antoine, dont les crimes sont désormais
prescrits, ne soit conduit à la maison
d'arrêt. Le 25 juillet 1892, après un procès
symbolique et une courte délibération, le
jury déclare le prévenu non coupable mais il
est interdit de séjour en Corse.
Le 1er août 1892, résigné, il s'embarque sur le "ville
de Bastia" à destination de Marseille où
il est attendu par une foule de 2000
personnes.
Cependant, les
interventions se multiplient sous la pression d'Emmanuel
Arène et moins de dix semaines plus tard, un arrêté
préfectoral autorise Antoine à retourner dans son
île natale où la vieillesse l'emportera tranquillement à
l'age de 80 ans. Il meurt à Aghione le 23 février 1907
et son inhumation à lieu à Bocognano.
Quand à son
frère, Jacques, dont le dernier crime remontait à moins
de 30 ans, il n'avait pas voulu quitter son maquis qu'il
continua à parcourir tranquillement jusqu'à
ce mois de janvier 1895, date supposée de sa mort dont
on ignore les causes. On a dit que, selon ses
dernières volontés, son corps fut inhumé dans le lit du
torrent dont on avait détourné un instant le cours pour
y creuser la fosse mais que les gendarmes informés de
son décès avaient voulu l'exhumer pour s'assurer qu'il
s'agissait bien de Jacques et que la famille s'y était
farouchement opposée préférant de nuit en toute hâte
transférer la dépouille dans le cimetière de Bocognano.
On a dit
aussi qu'il fut victime d'une
congestion pulmonaire pulmonaire pendant l'hiver et que sa dépouille fut cachée par sa famille. "Les
gendarmes ne m'ont pas eu vivant, ils ne m'auront pas
mort". Jacques Bonelli avait tenu parole car son
corps n'a jamais été retrouvé. Décédé à 64 ans, il avait
tenu le maquis un an de plus que son frère Antoine.
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Au pays de Colomba |
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