L'histoire de Tiodoru (théodore) Poli
a été racontée par Gustave Flaubert dans ses Carnets de
voyages. Lors de sa visite de la Corse en 1840 et plus
précisément, lors de son passage à Vico le 07 octobre,
il y apprend les exploits du bandit qu'il qualifie de
"noble coeur et de héros".
Tiodoru (Théodore) Poli est originaire de
La Chiaja, non loin de Guagno où il est né en 1797.
C'est un brave paysan sans
histoires qui laboure sa terre jusqu'à ce qu'un matin de
février 1820, le brigadier Petit de la Gendarmerie de
Guagno, qu'il croyait être son ami, vient lui passer
les menottes devant tout le village
parce que pour des raisons inexpliquées, Théodore,
frappé par la conscription, avait laissé passé la date à
laquelle il devait se présenter au bureau de recrutement
d'Ajaccio.
Profondément humilié, ayant
le sentiment d'avoir été ridiculisé, Poli n'a plus
qu'une idée en tête: se venger; et le 14 février, il
s'évade de la prison d'Ajaccio afin de rejoindre Guagno
où quelques heures plus tard, il tue d'une balle dans la tête le gendarme qui lui
avait fait subir un tel affront. Ce jour là Théodore Poli, devenu déserteur et
meurtrier, entre à son tour dans la légende des bandits
Corses en déclarant une guerre ouverte à la Gendarmerie.
En 1820, à la tête de quelques dizaines
d'hommes dont François Antoine Pellegrini dit "Bruscu",
les frères Multedo, Jean Cristinacce et Jean Casanova il est proclamé chef de bande et surnommé « le
roi de la montagne ». Pour faire vivre une troupe
de plus en plus importante Poli fonde "la République des bandits"
en faisant voter le 1er février 1823 la constitution d'Aïtone qui lui donne
droit de vie et mort sur tous et frappe le clergé de la
province d'un impôt proportionnel. Notaires et
percepteurs sont également mis à contribution.
La bande de Poli, qui a
établi des liens avec d'autres bandes, comme celle de
Gallocchio, dicte à présent ses lois et inspire la
terreur n'hésitant pas à attaquer plusieurs gendarmeries
(Antisanti, Orezza, Evisa, Casaglione, Rusio)
pour se procurer vêtements, armes et munitions.
Mais Poli n'est pas un
bandit ordinaire : il croit avoir une mission à remplir
et politise son combat en se déclarant adepte du
carbonarisme; on sait qu'il initie ses compagnons en
tenant des réunions secrètes dans la forêt. Le
hors-la-loi se veut aussi justicier : il aide les
pauvres,rançonne les riches et crée l'impôt
ecclésiastique avec menaces de représailles contre ceux
qui ne s'exécutent pas.
Aux actifs de Poli, on
raconte l'assassinat en pleine rue de Bastia, du
bourreau chargé de l'exécution de son complice "le
poète" Mascaroni et la délivrance de ce dernier au
moment où les gendarmes le conduisent pour son exécution
sur la place Saint Nicolas, l'assaut de la gendarmerie
de Bastia pour s'y procurer des bottes dont ses
hommes ont cruellement besoin, l'anéantissement d'une
bande de voleurs Sardes qui la nuit venue, terrorisent et
pillent la population de Bonifacio.
En novembre 1822, pour
tenter de mettre fin à la bande des contumaces que l'on
estime forte de plus de 800 individus, l'état crée le
bataillon de voltigeurs Corses, une sorte de milice dans
laquelle s'engagent de nombreux insulaires. Cependant,
en plus des exactions commises, cette "armée"
(composée aussi de certains insulaires désireux
d'accomplir une vengeance personnelle) ne
remportera que peu de succès.
Ce fut la trahison qui orienta
un bataillon des voltigeurs corses du coté d'Ambiegna, vers la cache où se
réfugiaient Théodore, son frère Borghellu et deux de ses compères, Mascaroni et
Piconi, ce matin du 05
février 1827.
Le bandit fut tué les
armes à la main et l'on exposa son corps
dans l'église Saint Roch d'Ajaccio afin que la
population soit informée de sa mort.
Ainsi s'acheva la vie tumultueuse et ensanglantée de
Tiodoru Poli qui avait gardé le maquis pendant plus de 7
années et qui avait été condamné plus d'une vingtaine de
fois à la peine capitale.
La guerre des contumaces était terminée, du moins le
croyait-on à ce moment là. |