Bibliographie Livre d'or ***
 

 

 

 COUTUMES ET CROYANCES CORSES

LA POLITIQUE (A pulitica)

Vous pouvez écouter sur cette page un extrait de la chanson "O gio Merre" interprétée par Richard GIROLAMI

 

En dehors du calendrier des évènement religieux et agraires, les élections et la conscription sont des moments importants de la vie des communautés villageoise.

La passion parfois violente des corses pour la politique a été maintes fois relevée par par des étrangers séjournant dans l'île. En 1880, le journaliste Paul Bourde dresse un tableau saisissant de l'esprit de clan et des moeurs politiques qui vont parfois jusqu'au crime de sang.

Chaque village est divisé en deux clans politiques opposés : "U partitu" (le parti), celui qui détient la mairie et " u contrapartitu", celui qui se trouve dans l'opposition. Tous deux ont parfois à leur tête un notable ou un personnage influant local dont le statut social lui permet de rallier à sa cause des familles entières

Un profond antagonisme, semblable à une véritable guerre larvée oppose ces deux clans et anime leur quotidien jusqu'à l'approche des élections où les tensions deviennent palpables. L'enjeu est important car le clan vainqueur prendra le contrôle de la gestion du patrimoine communautaire. A l'issu d'un scrutin particulièrement disputé et surveillé, les vainqueurs fêtent leur succès par un défilé ponctué de coups de fusil en narguant leurs adversaires perdants. 

 

Sur le continent, la politique ne dure que le temps d'une élection mais en Corse une élection dure le temps de toute une vie. C'est assurément la chose la plus importante après la famille. Quand on se rencontre le dimanche sur la place du village ou de l'église, au café, on commente toujours avec une passion soutenue la politique actuelle et l'on anticipe le temps des prochaines élections. En Corse, il y a trois degrés dans la politique : L'élection des députés que l'on commente avec passion, celle du conseiller général que l'on défend la rage aux tripes et enfin celle de la mairie qui transforme les habitants de tout un village en une meute furieuse et délirante.

Quand deux clans se forment, le parti opposé peut présumer sans erreur en les nommant du nombre de votants de l'autre clan ainsi que celui des incertains et des vendus, i becchi (les boucs).

Le maire: C'est le personnage le plus important du village; s'il est élu il promet de goudronner la route, de trouver du travail à Bastia pour le fils de Petru Paulu, de faire obtenir une pension à Anghjulu Maria, de refaire le mur de soutènement du jardin de Marc'Anto', de faire arriver l'eau sur la propriété de Maria Serena et d'empêcher "u vicinacciu" (le sale voisin) d'Andria de lui nuire... Bref, chacun veut s'accorder le monopole des faveurs du futur élu.

Les Corses vivent avec passion, la politique qui symbolise la puissance, le pouvoir et l’honneur. Elle est pour les insulaires un enjeu important et mobilise familles, parentèles et amis. C'est pourquoi, le jour des élections, on ne prendra pas les choses à la légère. En cette circonstance exceptionnelle, le bateau affiche complet. On à fait venir les expatriés de France et d'ailleurs en leur payant le voyage bien sur et souvent même en les gratifiant d'un bon paquet de billets. On a sorti les vieux de leur maison de retraite, on est allé chercher les impotents, les grabataires et puis, pour être sûr de gagner, on a aussi demandé à quelques défunts de venir aux urnes.

Depuis des semaines, on n'a cessé de se compter et de se recompter. Aujourd'hui, le village est une poudrière. Chacun se promène avec son fusil sous le bras, le canon tourné vers le sol. Dans les poches gonflées de la lourde veste en velours on devine le pistolet chargé prêt à tirer. Le gendarme qui prétend faire respecter l'ordre sait se faire discret; il sait par expérience qu'il suffirait d'un rien pour mettre le feu aux poudres...

Quand vient le soir, on s'interroge: "Un c'è stadu nunda ?", "no", "mancu un mortu ?!" ("il n'y a rien eu ?" , "non", "même pas un mort ?!"). A la clôture des votes, quand le vainqueur est enfin connu, c'est une explosion de joie et de coups de feu. Dans le camp adverse, on redevient philosophe. Les haines et les colères s'apaisent, l'injure redevient sourire et le tragique se transforme en chanson satyrique.

 

In casa di Gio Guelfucci,

So biscoti e bicchierini.

In casa di gio Mignucci,

So cacati sumerini.

Dans la maison de M.Guelfucci,

Il y a des biscuits et des petits verres.

Dans la maison de M.Mignucci,

Il y a de la merde d'âne.

 

 

La Corse a payé un lourd tribu de vie humaine à la guerre. La longue liste des morts pour la France en atteste sur les monuments dressés dans chaque village.

En 1872, le service militaire est universel et obligatoire et dure cinq ans. Perçu comme un devoir mais aussi comme une étape importante à l'âge adulte, il est donc fièrement accepté par une population qui se prive pourtant d'une main d'oeuvre familiale dans la force de l'âge.

Envoyés sur le continent ou dans les colonies, les jeunes recrues y apprennent à lire et à écrire le français. Nombreux sont les insulaires qui auparavant n'avaient jamais quitté leur village et qui découvrent d'autres horizons dans un exile bien souvent difficilement supporté ; mais dans une île qui subit depuis la fin du XIXème siècle une crise économique génératrice de misère, nombreux sont les jeunes Corses qui signent un engagement dans l'armée à la fin de leur service militaire.

 

 

 

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Dernière mise à jour pour cette page : 19 novembre 2022