Bibliographie Livre d'or ***
 

 

 

COUTUMES ET CROYANCES CORSES

LA NAISSANCE (A nascita)

Vous pouvez écouter sur cette page un extrait de la chanson "Laurelia" interprétée par Richard GIROLAMI  

 

Parmi les usages singuliers relatifs à la naissance, Diodore de Sicile écrit : " Ce qu'il y a de plus incroyable chez les Corses, c'est ce qui se passe à la naissance des enfants ; quand une femme accouche, on ne prend d'elle aucune espèce de soin, son mari se met au lit comme si c'était lui qui était souffrant des suites de couches, et il y reste le nombre de jours réglementaires comme si son corps avait subi quelque fâcheuse atteinte. "

Strabon fait la même remarque en parlant des Ibères : " Les femmes, dit-il dans une description de l'Espagne, ont une énergie virile égale à celle des hommes. Elles cultivent la terre et, quand elles viennent d'accoucher, elles servent leur maris après les avoir fait mettre au lit à leur place."

En Corse, dès la venue de l'enfant, il était également de tradition de couper le cordon ombilical généralement à ras pour les filles et selon la longueur du membre viril chez les garçons. Quant au placenta, il était profondément enterré dans le jardin à proximité de la maison.

 

Autrefois, toutes les naissances se passaient au village. Lorsqu'une jeune femme était sur le point d'accoucher, on faisait appel à la cugliadora, mammana ou bonadonna, une femme du village qui, réputée pour ses compétences et son habileté dans l'art de mettre au monde les enfants, n'avait d'autres connaissances que celles acquises au cours d'une longue expérience. En fait, il ne se trouvait que très rarement en Corse une sage-femme qui ait fait des études pour exercer ce métier. Les femmes enceintes répugnaient d'ailleurs à faire appel à un chirurgien. Ce n'est que lorsque, épuisées par les douleurs de l'enfantement qui devenaient trop insupportables, lorsqu'il n'y avait presque plus d'espoir d'être sauvées, qu'elles s'y résignaient.

 

"Chi sara ? maschiu o femina ?" (Qu'est-ce-que ça sera ? un garçon ou une fille?). En ce temps la, pour déterminer le sexe de l'enfant on avait recours à l'interprétation des signes, aux pratiques divinatoires, on se fiait à la forme du ventre, à la période de la lune durant la fécondation, on invoquait Sainte Anne.

Si c'est un garçon, selon la tradition, il portera le prénom de son grand-père paternel; si c'est une fille, on lui donnera celui de sa grand-mère maternelle. De préférence, ce sera un garçon (7 garçons pour une fille, dit le proverbe). En attendant la venue de l'enfant, gare aux envies de la femme enceinte !.(e brame). Si elles ne sont pas satisfaites, les enfants en porteront la marque à la naissance.

 

Jadis, quand une femme mourrait avant d'avoir mené à terme sa grossesse, on déposait dans son cercueil, du fil, une aiguille, des ciseaux et un morceau de toile pour qu'elle puisse dans l'au-delà coudre les langes de son enfant.

La femme Corse assistée de la mammana, n'accouchait pas dans le lit où elle s'était "déshonorée", mais sur une couverture, à même le sol, près de la cheminée ou du fucone au dessus duquel était suspendue une marmite d'eau bouillante. L'homme était tenu à l'écart tant que la naissance n'avait pas eu lieu. Au bout d'un maximum de 24 heures la femme reprenait ses occupations.

Dès les premiers instants de la vie, si la mère ne pouvait pas allaiter elle même, c'était la mammana qui se chargeait de donner le sein à l'enfant qu'il fallait à présent protéger des streghe et des mazzeri

Dès qu'il y avait quelque inquiétude sur la santé de l'enfant on allait systématiquement consulter l'incantatora (la guérisseuse), seule personne capable de déterminer s'il était ou non annuchjatu (victime du mauvais oeil).

Mais la vigilance ne suffisait pas toujours à garantir les nouveaux-nés des streghe (sorcières) qui venaient leur sucer le sang . Si par malheur, l'un d'entre eux venait à mourir, les parents faisaient un certain nombre de gestes destinés à préserver les autres enfants : Ils prennent une chaudière, la remplissent d'eau qu'il font bouillir et y jettent en même temps les vêtements de la pauvre victime. Le père, un poignard à la bouche, se tient près du feu. Quand l'eau bout, le sorcier arrive. Il se présente sous la forme d'un chat, soit d'une belette. Il faut alors le saisir car s'il parvient à s'échapper, il recommence ses exploits. Si au contraire, on le tient ferme, il prend, après beaucoup de contorsions, son aspect primitif ; il devient un homme. On lui fait alors jurer de respecter les enfants. Dès lors, on n'a plus rien à craindre de sa part. 

 

Dans certaines régions, avant de n'être mis dans son berceau (u vèegulu), le nouveau-né dormait dans le lit de sa mère jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge d'un mois. Pour empêcher les mauvais esprits et les démons de s'approcher du nouveau né, on plaçait au fond de son  berceau un livre de messe et un poignard au manche en forme de croix. Le livre de messe servait à écarter les démons et le poignard devait éloigner les sorcières. On ne laissait jamais le nouveau né seul les jours de brouillard tant qu'il n'avait pas percé sa première dent. On ne coupait jamais les ongles du bébé. Avant de s'endormir la mère prenait soin de placer une faucille, un morceau de cierge de la chandeleur ou du gros sel sous son oreiller.  On veillait également, en particulier la mère, à ne jamais embrasser le nouveau né dans son berceau, à ne jamais le faire dormir les pieds dirigés vers la porte et à ne jamais balancer son berceau vide sous peine de lui porter malheur. De même, lorsqu'on transportait l'enfant d'une pièce à l'autre, on prenait soin de toujours diriger sa tête vers l'avant.

Ainsi protégé, bercé par une nanna (berceuse)  l'enfant s'endort chaque soir paisiblement et si c'est un garçon, pour lui assurer une éducation virile, la nanna exalte le sentiment de la vengeance et la fierté du bandit d'honneur en commençant par ces mots :

 

Quandu sareti grandoni

Purtareti li vostr'armi

Un'bi farrani paura

Bultisciori ne giandarmi

E si vu'st'inzirmitu

Sareti un fieru banditu

...

Quand vous serez grand

Vous porterez vos propres armes

Ni voltigeurs ni gendarmes

Ne vous feront peur

Et si vous vous mettez en colère

Vous serez un fier bandit

...

 

 

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Dernière mise à jour pour cette page : 07 avril 2023